Jalal Alavinia
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Femmes sans hommes

mercredi 7 août 2013, par Collectif LP



Par LEILA DARABI à New York

La plasticienne Shirin Neshat aborde avec “Des femmes sans Hommes” son premier long métrage qu’elle présente actuellement dans tous les festivals, faisant l’ouverture de celui de New York le 14 mai. Réalisé avec son partenaire le cinéaste Shodja Azari, le film de Neshat est une adaptation d’un roman de Shahrnoush Parsipour, un livre interdit en Iran par les censeurs de la république islamique. Le roman et le film relatent tous deux les voyages de quatre femmes seules d’âge et de statut social différents qui finissent dans une réunion tenue dans un jardin hors de Téhéran pendant l’été 1953, à la veille du coup d’état qui évinça le premier ministre Mohammad Mossadegh et restaura le pouvoir du shah.

Avant la programmation du film en salles, Neshat a pris le temps de répondre aux questions de Tehran Bureau sur le choix de l’adaptation du roman de Parsipour sur grand écran et les similitudes entre cette histoire et la lutte pour le pouvoir qui continue aujourd’hui à Téhéran. Leila Darabi : Qu’est-ce qui vous a décidé à faire un long métrage et pourquoi choisir d’adapter le roman de Parsipour ? Est-ce le réalisme magique de l’histoire qui vous a tenté en tant que plasticienne ?

Shirin Neshat : Après plusieurs années de travail sur la photographie et la vidéo, mon oeuvre est devenue, petit à petit narrative et j’ai été de plus en plus séduite par le langage et le monde du cinéma. Je me demandais si je pourrais rebondir, professionnellement et artistiquement en passant des installations vidéos courtes à un film long-métrage, de passer de plasticienne à cinéaste, et, le plus important, passer d’un public artistique à un public cinématographique.. Puis, après m’être engager à réaliser mon premier film, il me fallait trouver la bonne histoire qui, tout en donnant un scénario intéressant, serait en adéquation avec mon propre vocabulaire plastique et mon style artistique passé. J’ai donc commencé à lire des romans, spécialement ceux écrits par des femmes iraniennes. “Femmes sans Hommes” est un roman très célèbre qui m’a été rappelé par un ami très cher [professeur à l’université de Columbia] Hamid Dabashi. Quand j’ai lu cette histoire, bien que beaucoup m’aient avertie que le style magique et réaliste de cette oeuvre littéraire était des plus difficiles à traduire cinématographiquement, je me suis obstinée à poursuivre.

Beaucoup de choses m’attiraient dans ce roman , entre autres, j’appréciais Sharnoush Parsipour, l’imagination de l’auteur, la façon dint elle créait les scènes les plus fantastiques et des images puissances visuellement et allégoriquement. J’ai aussi beaucoup aimé la façon dont la scène se transportait d’un “verger” où l’on pouvait approfondir la crise existencielle de quelques personnes, la plus universelle et intemporelle, opposé à la ville de Téhéran qui nous confronte à la crise politico-sociale et historique d’un pays bien spécifique. Enfin, le film est fidèle à environ quarante pourcent qu’ roman original, et pourtant je sens qu’il lui a emprunté ses éléments les plus forts. L’une des différences majeures est la dimension politique qui a été ajoutée au film, centrée sur le Docteur Mossadegh et le coup d’état de l’été 1953, un moment pivot de l’histoire iranienne.

Vous avez commencé à travailler sur le film longtemps avant la mêlée post-électorale qui a commencé en Iran en juin dernier. Le début du Mouvement Vert a-t-il changé la manière dont vous avez vu l’histoire ? Ce projet a commencé en 2003 ; curieusement, nous avons terminé le montage en juin 2009 entre les élections et le début du soulèvement post-électoral dans les rues de Téhéran. Les évènements n’ont donc pas pu nous affecter directement, si ce n’est que nous avons dédié le film au Mouvement Vert et à tous les mouvements démocratiques qui ont eu lieu depuis la révolution constitutionnelle de 1906. Cependant, quand on observe ce qui s’est passé en Iran l’été dernier, on y voit une incroyable ressemblance avec les manifestations de 1953 et la façon dont les Iraniens scandaient les mêmes slogans à cette époque, exigeant la justice, la démocratie et la liberté. C’est la réaffirmation que, génération après génération, les Iraniens ont combattu, et bien qu’ils aient perdu quelquefois, ils ont continué à se soulever et à faire de nouveau face à leurs luttes

. Pour le public non iranien, c’est peut-être la première introduction à l’Iran des années 50 et à la politique iranienne d’avant la république islamique. Est-ce une histoire/un film à propos de l’ancien premier ministre le Docteur Mohammad Mossadegh ?

Ce n’est pas un film sur le Docteur Mossadegh mais sur une période importante dans l’histoire de l’Iran, à l’époque où le pays était une société « laïque » ; il y avait à l’époque une certaine idée de la démocratie et de la liberté. Il se trouve que le Docteur Mossadegh était un dirigeant aimé d’au moins la moitié des Iraniens qui lui faisait confiance et le respectait. En général, nous avons senti que le retour à 1953 servait un grand but, non seulement pour les Iraniens, mais aussi pour les occidentaux qui, dans leur grande majorité, ne connaissent que l’Iran d’après la révolution islamique. De nos jours, la plupart des Américains ignorent la part que leur pays a prise dans l’anéantissement de l’espoir de démocratie dans les pays étrangers, comment la CIA a organisé le coup d’état de 1953 qui marque le début de la détérioration des relations entre les Etats-Unis, l’Iran et le Moyen-Orient, préparant ainsi le terrain pour la révolution islamique de 1979.

Sur grand écran, petit écran et dans les principaux médias, les femmes iraniennes et plus généralement moyen-orientales sont souvent stéréotypées comme voilées et soumises. Comment chacune des femmes de « Femmes sans Hommes » défient-elles ces poncifs ? J’ai l’impression que dans tout mon travail, jusqu’à ce jour, bien que je n’aie jamais nié l’oppression des femmes en islam, je ne les ai jamais représentées comme des « victimes », cliché occidental, comme vous le mentionnez justement.

Je crois que les femmes ont été montrées comme fortes, dignes, courageuses et mobiles. Cette description est ce que je comprends honnêtement et mon interprétation des femmes iraniennes (je ne peux pas généraliser à toutes les femmes musulmanes) qu’aucune contrainte ne réussit à intimider ou à réduire au silence. C’est exactement le sens du paradoxe qui continue de m’inspirer et de m’intéresser en tant que compatriote iranienne.


Film Summary

In her feature-film debut, renowned visual artist Shirin Neshat offers an exquisitely crafted view of Iran in 1953, when a British- and American-backed coup removed the democratically elected government. Adapted from the novel by Iranian author Shahrnush Parsipur, the film weaves together the stories of four individual women during those traumatic days, whose experiences are shaped by their faith and the social structures in place.

With a camera that floats effortlessly through the lives of the women and the beautiful countryside of Iran, Neshat explores the social, political, and psychological dimensions of her characters as they meet in a metaphorical garden, where they can exist and reflect while the complex intellectual and religious forces shaping their world linger in the air around them. Looking at Iran from Neshat’s point of view allows us to see the larger picture and realize that the human community resembles different organs of one body, created from a common essence.

Shirin Neshat

Iranian-born visual artist Shirin Neshat is known for her hauntingly beautiful explorations of Islam and gender relations. Over the past 15 years, Neshat has created provocative expressions drawn on her personal experiences in exile, and on the widening political and ideological rift between the West and the Middle East. Her potent statements in still and moving images evoke the struggles that define her.

Born in Qazvin, one of the most religious cities in Iran, Shirin Neshat is perhaps the most famous contemporary artist to emerge from that country. Neshat left Iran just before the Islamic revolution (1979) and the fall of the Shah. Her consequent visits to Iran after the revolution led to the creation of a body of work which launched Neshat’s artistic career, however, since 1996 she has not been able to return to her country due to the controversial nature of her art. After receiving her degree in art from the University of California at Berkeley, Neshat moved to New York, where she continues to live and feel the pull and push of her roots. She examines her homeland from a distance, as well as in closer perspective on her travels across the Middle East.

On today’s complicated global stage, Neshat’s voice is unmistakably relevant. She first gained prominence with Women of Allah (1993-97), a series of photographs depicting women in veils carrying guns with their skin covered in Islamic poetry. These arresting images reflected Neshat’s sense of how the revolution had changed the Iran that she knew, especially the lives of women seeking freedom, rebelling in martyrdom and militancy.

By 1998, when Neshat began experimenting with film and video installations, she met Iranian artist/filmmaker, Shoja Azari. They began a collaboration which has led to numerous important video pieces such as the trilogy—Turbulent (1998), Rapture (1999), and Fervor (2000)—about gender roles in the restrictive Islamic society. In the first two cinematic statements, she immersed the viewer literally in the middle of the works, which were projected on two screens, each occupied by actors of one sex. The men and women are physically separated here in art, as in real life. In Turbulent, Azari performed the role of male singer while Sussan Deyhim, was the female singer. Here Neshat explored singing as a metaphor for freedom, inspired by an Iranian ban on women singing. In Rapture, she continued her theme with a story about women moving across the desert, and how a few eventually break free to leave on a small boat. Fervor expressed the passionate yearning of a couple who can only make contact with their eyes, closing the trilogy with an emphasis on the common ground shared between the sexes.

On a more personal note, Neshat explored her own displacement in Soliloquy (1999). Again using duo projections, she places an image of herself in the Middle East on one screen, and an image of herself in the West on another, visually revealing the split between the two very different cultures that are both a part of her life.



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