Jalal Alavinia
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Actualités Iran

La femme qui lisait trop

Bahiyyih NAKHJAVANI

vendredi 11 janvier 2008, par Collectif LP


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Téhéran, deuxième moitié du XIXème siècle : la cour du Shah fourmille d’intrigues de palais, de complots et autres tentatives d’assassinats : scène classique sur laquelle fait un jour irruption une poétesse fort lettrée dont les textes semblent agir sur chacun, dans le royaume, comme de puissants catalyseurs d’énergies subversives - hérétiques... ? Dans cet envoûtant roman doté d’une incroyable énergie narrative et qui a le langage pour héros véritable, Bahiyyih Nahkjavani délivre une admirable réflexion sur le pouvoir, qu’il soit séculier ou symbolique, et sur la manière dont il est exercé selon qu’il est détenu par les hommes ou par les femmes. Fondé sur des faits historiques réels que la fiction transcende, il conduit sans coup férir le lecteur à se mettre en quête d’autres vérités - celle qu’un réel surévalué trop souvent occulte.

[Bahiyyih NAKHJAVANI

La Femme qui lisait trop

Roman Traduit de l’ anglais par Christine Le Boeuf / octobre 2007 / 11,5 x 21,7 / 416 pages / ISBN 978-2-7427-7036-6 / AS5289 / prix indicatif : 23,00 €


La sacoche

Babel / Roman Traduit de l’ anglais par Christine Le Bœuf / avril 2001 / 11 x 17,6 / 320 pages / ISBN 978-2-7427-3199-2 / F77095 / prix indicatif : 8,50 €

Au milieu du XIXe siècle, une caravane de voyageurs progresse dans le désert sur une route proche de La Mecque. Se croisent alors neuf destinées qui toutes basculent, en un après-midi, au moment où chacun entre en possession d’une sacoche remplie de textes dont la teneur restera mystérieuse.

Se succèdent ainsi un voleur romantique épris de liberté ; une jeune fiancée encline à la divination ; un chef de bandits ambitieux ; un affairiste roublard ; un pèlerin dont la quête spirituelle aboutira à la résolution de l’énigme des sables ; un religieux inquisiteur ; un espion de Sa Majesté déguisé en derviche ; enfin, accompagnant tous les personnages dans leur périple, un cadavre doté de la capacité de percer leur intériorité.

Récit empreint de mysticisme, livre d’espérance et d’illumination, le roman de Bahiyyih Nakhjavani procure un plaisir sans mélange, dans sa capacité à envoûter le lecteur, à faire naître en lui le désir de cet objet merveilleux, symbole de toutes les quêtes et de toutes les révélations : la sacoche.


Les Cinq Rêves du scribe

Babel / Littérature étrangère Traduit de l’ anglais par Christine Le Boeuf / octobre 2007 / 11 x 17,6 / 368 pages / ISBN 978-2-7427-6935-3 / AS5047 / prix indicatif : 8,50 €

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Biographie :

Bahiyyih Nakhjavani est née en Iran, mais elle a grandi en Ouganda et a fait ses études secondaires et universitaires en Angleterre et aux Etats-Unis. Elle s’est consacrée durant ces vingt dernières années, dans diverses régions du monde dont en Belgique, à l’enseignement de l’anglais, des littératures anglophones et de l’art. Elle vit actuellement en France.

Son premier roman, La sacoche, paru en 2000 en anglais (The Saddlebag), a rencontré un succès international. Traduit dans de multiples langues, le livre raconte l’histoire d’une sacoche singulière. Au milieu du 19e siècle, une caravane de voyageurs progresse dans le désert sur une route proche de La Mecque. Se croisent alors neuf destinées qui toutes basculent au moment où chacune entre en possession de cette sacoche remplie de textes dont la teneur reste mystérieuse. Se succèdent un voleur romantique épris de liberté, une jeune fiancée mystique, un chef de bandits fier de sa puissance, un changeur roublard, un pèlerin menant une quête spirituelle nihiliste, un religieux inquisiteur à la dévotion excessive, un espion de Sa Majesté déguisé en derviche et enfin un cadavre.

L’une des raisons ayant poussé Bahiyyih Nakhjavani à écrire ce livre était de voir comment les chemins de personnes de races, de cultures et d’origines différentes pouvaient se croiser et se recroiser par pur hasard, tout en ayant un sens. Si cela est possible à travers un roman, il n’y a pas de raison que cela ne puisse pas également être utilisé comme une métaphore valable à d’autres niveaux : politique, religieux, économique.

En 2003, elle a publié son deuxième roman, Les cinq rêves du scribe (Paper. The Dreams of A Scribe), racontant la vie d’un copiste itinérant au milieu du XIXe siècle, qui, parvenu à l’âge où l’homme s’aperçoit qu’il n’a rien fait et que tout lui reste à faire, se met en quête du poème ultime à coucher sur un papier qui pourtant se dérobe. Avec cette allégorie, l’auteur entraîne le lecteur vers cette éternelle nécessité pour l’homme d’inscrire des mots sur la page blanche de l’inconnu.


Séance officielle de rentrée académique Mardi 18 septembre 2007

Discours de Madame Valérie Bada

« [Le scribe] était obsédé, possédé par le papier. Son ongle, en courant à sa surface, libérait des désirs innommés, touchait sur la page des passions inexprimées. Le chuchotement ténu de ses grattements lorsqu’il appuyait, le frisson de sa pointe lorsqu’elle cédait sous la pression, le jet soudain d’une encre noire comme jais, un irrésistible trait après l’autre, lorsqu’il caressait la feuille, faisait battre son cœur vite et fort, et son sang lui martelait les veines. C’était un fanatique du papier. » (Paper, trad. Les Cinq Rêves du Scribe, 20-21)

La citation est tirée du roman Paper,Les 5 Rêves du Scribe dans la traduction de Christine Le Bœuf. Cet extrait capture toute la sensualité poétique du style de Bahiyyih Nakhjavani et sous la chair littéraire on sent encore palpiter les influences de ses obsessions toute scientifiques de chercheur. Bahiyyih Nakhjavani est en effet une spécialiste de Shakespeare dont l’étude lui valut deux Maîtrises de l’Université de York en Grande Bretagne, sa thèse de doctorat obtenue à l’Université du Massachussetts à Amherst portait quant à elle sur le rôle poétique des voyeurs dans la poésie érotique anglaise de la Renaissance. Mais la citation que je viens de vous lire reflète surtout son obsession pour la symbolique de l’écriture comme incarnation des aspirations spirituelles de l’humanité et, au-delà, comme matrice du monde. L’écrit à la fois en tant que texte révélateur de sens et processus de création est un effet au centre de l’œuvre de Bahiyyih Nakhjavani. Métaphore d’un monde en devenir et lien littéral qui unit l’humanité et révèle son unicité, l’écrit initie une progressive métamorphose des êtres, leur permet de transcender les angoisses de la condition humaine et de se recréer dans une relation apaisée avec soi-même et l’autre.

En trois romans (La Sacoche, Les 5 Rêves du Scribe et La Femme qui lisait trop, tous trois publiés chez Acte Sud), Bahiyyih Nakhjavani a déjà crée un espace poétique contemporain unique qui entremêle le romanesque, l’historique et le mystique. Cette fusion des genres ré-évalue les fondements ontologiques du récit qui de fiction référentielle devient expérience subjective initiatique, de métaphore de la quête existentielle à travers la sacralité du texte devient métamorphose de l’esprit libéré par le pouvoir de l’écrit. Situés au Moyen Orient à la moitié du 19e siècle, La Sacoche, Les 5 Rêves du Scribe et La Femme qui lisait trop retracent le cheminement mystique d’hommes et de femmes confrontés par hasard ou par recherche à l’écrit dans sa dimension sacrée, créatrice et révélatrice du sens de leur vie. Que ce soit une sacoche remplie de manuscrits porteurs d’une nouvelle mystique, des rouleaux de papier précieux couvert de calligraphies sacrées déchiffrées avec extase par un scribe peu scrupuleux, ou de mystérieux livres ayant appartenu a la poétesse persane Tahirih et sauvés de la destruction par deux femmes éclairée, le texte est passeur de mémoire et de sens pour une humanité certes solitaire mais aussi solidaire dans le dépassement qui fonde son unité. A la violence d’un Moyen Orient déjà miné par les luttes politiques et religieuses du 19e siècle, s’oppose la sérénité de ceux qui, touchés par la grâce de l’écrit, rejettent la conception d’une humanité fragmentée et partent sur les chemins à la rencontre de l’Autre.

Si le monde est confus et chaotique, l’écriture l’ordonne et permet d’y trouver du sens. La dynamique de l’écriture en progrès reflète le mouvement de la pensée qui constamment se cherche, s’enrichit, se définit, s’affine et s’aiguise. Semblable à tous ses personnages nomades en quête de territoires imaginaires, l’écriture de Bahiyyih Nakhjavani est une écriture mouvante qui sans cesse se métamorphose au gré de la polyphonie de voix qu’elle crée et auxquelles elle donne des accents parfois truculents et souvent drôles.

Si l’œuvre de Bahiyyih Nakhjavani est écriture du monde, l’auteure quant à elle incarne dans son essence nomade l’écrivain du monde. Issue d’une illustre famille iranienne ..., Bahiyyih Nakhjavani a vécu en Ouganda, en Sierra Leone, en Israël, en France, en Angleterre, au Canada et aux Etats-Unis. Cette errance consentie, libératrice et féconde semble procéder de l’intuition d’un identitaire universel ... Ses récits conçoivent une humanité recréée dans une unité salvatrice malgré les différences de langue, religion et race. Et c’est précisément dans cette totalité perçue dans la diversité et garante de liberté contre le totalitaire que s’inscrit la poétique de Bahiyyih Nakhjavani. C’est un grand honneur, Madame Nakhjavani, de vous remettre les insignes de Docteur Honoris Causa de l’Université de Liège.


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