Jalal Alavinia
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Nima Yushidj

Poémes

Traduction de Parviz Khazraï

dimanche 13 mai 2007, par Collectif LP


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Nimâ

Sur cette sphère sans art ni lumière,

Nimâ est le nom d’un papillon solitaire

butinant les fleurs mélancoliques,

loin de la verdure du printemps,

au cœur d’un automne jauni de tristesse.

Il est aussi une main ferme

surgie des ténèbres de souffrances

qui frappe la poitrine des démons

et qui caresse le front des hommes de bien.

Nimâ c’est le nom d’un semeur de troubles

qui demeure partout et nulle part,

qui cherche son joyau perdu

sur la terre et dans le ciel.

Au moment où sa table dégarnie

va lui faire pleurer du sang,

la noblesse de son âme le lui interdit.

Il penche alors sa tête de vieux hibou

sur la page tracée de lignes noires

et continue à écrire.

Il ne rompra jamais son pacte,

il ne quittera jamais son chemin.

La mort de l’alouette

Dans le calme de la forêt, comme hier,

chaque recoin annonce l’arrivée du matin

et le lierre en grimpant le madjar 1

oublie ses chagrins.

L’air est frais, presque inerte, comme hier,

le zéphyr veut souffler, mais n’ose guère.

Sur un rocher de granit l’alouette est morte,

comme un dessin de rosée sur la pierre.

En vain ses yeux restent encore ouverts,

en vain la lumière se jette sur l’alouette :

c’est comme si ses rayons tombaient

sur un rocher.

Après le gosier, c’est le corps entier qui s’arrête.

Depuis des années, écho de son âme,

l’alouette se fond dans la tombe de ses chants.

L’air se souviendra de toutes ses aubades

à présent disparues dans l’oreille du temps.

On dirait que rien ne s’est passé dans l’univers,

le vieux noyer s’élance vers le ciel, comme hier.

Comme hier, une vigne étale

silencieusement ses branches sur une pierre.

 [1]



Jusqu’à l’aube

Je tiens ma lampe allumée jusqu’à l’aube

en cette nuit brûlante,

pour bâtir dans la cité des aveugles

une muraille bienfaisante.

Voilà qu’un aveugle désignant mon œuvre

montre les défauts qu’il voit, lui !

Un autre s’acharne et se jette sur moi :

« Pourquoi comme ceci, pourquoi comme cela ? »

Mais je pose sans relâche brique sur brique,

dans la maison des aveugles

pour qu’ils puissent s’abriter demain

d’un soleil de plomb et des mauvaises mains.

Je garde donc ma lampe allumée

jusqu’à l’aube, en cette nuit brûlante,

pour bâtir dans la cité des aveugles

une haute muraille bienfaisante.



Malheur à moi !

Ma terre s’est desséchée,

mes astuces ont été vaines.

Le regard rusé de l’ennemi a trouvé ma cachette,

malheur à moi ! Il prépare pour ma poitrine

des flèches empoisonnées de haine.

Derrière ma maison,

sur les chemins ensanglantés,

il empile les têtes de morts,

couvertes de la poussière d’anciennes tombes,

et pour mieux faire souffrir les âmes désolées

il s’assied parmi les crânes empilés

et raconte des histoires de suppliciés.



La barque

Mon visage assombri,

ma barque échouée...

Ma barque échouée au rivage,

je crie :

« Sur le chemin harassant de cette plage dévastée

ma barque m’empêche toute vie

et l’eau est encore loin.

A l’aide, mes amis ! »

Mais avec un rire acerbe

tout le monde se moque de moi,

de l’instabilité de ma barque,

de l’insolite de mes propos,

de mes feux qui ne brûlent que moi.

Je suis en feu, je brûle :

un rugissement jaillit de ma gorge :

« Au moment où la mort

aiguise sa faucille,

on paie cher, très cher,

le rire et les négligences. »

Notes

[1] Nom d’un arbre des forêts de Mâzandarân, au nord de l’Iran.


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