Jalal Alavinia
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Sohrab Sepehri

Poèmes

Essai de traduction par J. Alavinia poèmes inédits

dimanche 13 mai 2007, par Collectif LP

Tous droits réservés aux Lettres Persanes.

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Où es la maison de l’ami ?



Ma passion

Je suis le târ : prisonnier du chant.

Prends-moi, joue-moi !

Frappe « lâ »,

joue sur mes cordes l’air de « fanâ » !

Je suis la fumée :

Je déferle, je glisse, je disparais.

Je brûle, je brûle :

je suis la lanterne du désir.

Fais de moi une fleur et brille !

Je devins miroir,

j’étais pur de la lumière et de l’ombre.

Le démon et la fée sont venus,

démon et fée, je suis devenu.

J’étais dans l’ignorance.

Le Coran au-dessus de ma tête,

la Bible mon oreiller, la Torah mon lit,

et l’Avesta mon manteau.

Je rêve : un Bouddha dans le nénuphar de l’eau.

Partout où les fleurs de prière poussèrent,

je les cueillies.

J’ai un bouquet, ton mehrab est hors d’atteinte :

lui en haut, moi en bas.

J’ai des paroles parfumées, n’est-ce pas ?

Le vent de « viens ! » m’emportait,

je devins sans provision.

Je cueillis des fleurs dans la montagne d’ « où »,

je mangeai des fleurs.

J’ai une clameur dans les veines,

arrose-moi de ta source, arrose-moi,

et rends-moi agréable une goutte d’eau,

rends belle ma passion.

Lève un vent, enfonce les portes de la parole,

balaie l’empreinte de la voix,

emporte la fumée de « pourquoi »,

ainsi que la vague de « moi », « nous » et « vous » !

Jette un pont entre la rosée et la tulipe de la pureté !

De ce rêve,

plante une fleur dans mon œil,

plante une fleur !

Oraison

Tends la main,

pour qu’une centaine de gouttes

se déverse de tes doigts

et que chaque goutte devienne un soleil.

Qu’il perce notre nuit

d’une centaine d’aiguilles de lumière.

Nous sommes impatients

et notre oraison est libre de toute couleur.

Fais de ton amour un sourire

et pose le sur nos lèvres !

Qu’un hymne se crée digne de toi.

Nous sommes le noyau caché du regard.

Fais un nuage de ta manifestation,

envoie-le pour qu’il nous arrose.

Que nous explosions de passion,

grandissions et rejoignions ton soleil.

Nous sommes la forêt dense de la croissance.

Saisis une centaine d’étincelles

du feu de ta compassion,

fusionne-les dans un éclair

et frappe nos corps !

Qu’une forêt de sincérité émerge de nos cendres !

Nous avons confié nos yeux au sommeil,

il y a fait son nid.

Arrose nos visages !

Que le lys des yeux fleurisse

et qu’il s’abreuve de ta brillance et se fane.

Notre vision s’est perdue.

Aide-nous et noue nos regards !

Que ton être entier coule en nous.

Nous sommes une harpe :

chacune de nos cordes est douleur et passion.

Frappe nos cordes du calme éternel,

pour nous vider de nous

et nous remplir de la sublime note du silence.

Nous devînmes miroir,

nous avions peur de toute image.

Projette-toi en nous !

Englobe notre existence,

pour que nulle autre image ne nous habite plus.

Partout des frontières, partout des noms.

Fais un fil de la chose sans forme,

enfile la perle du temps et de l’espace !

Que tout s’unisse,

qu’il ne reste ni frontière ni nom.

ô hors d’atteinte !

L’aile de la solitude est fatiguée.

Souffle une passion de temps à autre !

Que le sillon de l’envol s’efface en toi !

Fleur du néant

Nous marchions,

les arbres étaient si grands

et le regard si noir !

C’était un chemin qui nous menait

à la fleur du néant.

La mort sur les versants de la montagne,

un nuage au sommet,

des oiseaux au bord de l’existence.

Nous chantions :

« Sans toi,

j’étais une porte sur l’extérieur,

un regard sur l’horizon,

une voix dans le désert. »

Nous marchions,

la terre avait peur de nous,

et le temps pleuvait sur nous.

Nous rîmes : l’abîme se réveilla,

et les invisibles se mirent à chanter.

Nous étions silencieux, le désert inquiet,

et l’horizon une chaîne de regards.

Nous nous assîmes,

tes yeux pleins de lointains,

mes mains pleines de solitude

et les terres pleines de sommeil.

Nous dormîmes :

on raconte qu’une main cueillait une fleur

dans un rêve.


Essai de traduction par Jalal Alavinia, L’orient du chagrin.


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