Jalal Alavinia
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Forough Farrokhzad

La Roseraie de la Poésie

Les bourgeons de joie et de souffrance

samedi 17 mai 2008, par Collectif LP

Mon secret

Parfum et tempête

Le miroir brisé

Le péché

Sur la tombe de Leili

Le mur

Le passant

Il fait soleil

Le vent nous emportera

La conquête du jatdin

Une autre naissance

Dans les rues froides de la nuit

Croyons à l’approche de la saison froide, extrait -

Seule la voix demeure !


Mon secret

Je n’ai que des regrets.
Le mauvais sort a voulu
qu’un inconnu devienne mon ami.
On m’a lié les pieds,
pourtant je suis innocente.
Quelle souffrance est cette prison pour moi !

Je me plains de ces yeux
qui cherchent jour et nuit
dans les miens mon secret.
Je me plains de ces oreilles
qui veulent peut-être entendre mon chant perdu.

Parfois, il me demande d’où vient mon chagrin :
« Pourquoi ta pensée est-elle si confuse ?
Ne cache pas sans raison ce secret.
Il y a une douleur étouffée dans ton regard. »

Parfois, il se lamente auprès des autres :
« Elle n’est plus la fille d’autrefois.
Oh, cette femme déprimée et mystérieuse n’est
plus la fille joyeuse et souriante d’autrefois. »

Parfois en pénétrant mon cœur
par la magie de l’amour, il essaie de me charmer.
Parfois en poussant un cri de colère,
il veut me sortir de l’enclos de mon secret.

Parfois, il me dit :
« Qu’as-tu fait de ton regard ivre et charmeur ? »
Qu’as-tu fait de ton sourire joyeux et fervent
sur tes lèvres fiévreuses ? »

Perturbée, je fixe mon regard sur lui.
Je me dis en silence :
« Que veux-tu ? C’est comme ça !
Je ne sais pas moi-même d’où vient ce chagrin. »
Je me dis en silence : « Je suis foutue. »

Je ne trouve aucun ami intime
pour lui révéler le secret de mon terrible chagrin.
Sans doute, personne ne se fait souffrir comme moi.

Ce chagrin vient de moi, j’en suis la cause,
mais je n’ai pas le choix.
Je me suis mis des chaînes aux pieds,
pourtant je me plains de mes chaînes.

Oh, c’est ça que tu cherchais avec joie :
mon secret, le secret d’une femme folle,
une femme qui ne pensait guère à sa dignité ?

Le secret de quelqu’un qui n’est rien
qu’une femme détestable pour toi ?
Oh, c’est ça qui me fait de la peine, sinon
je n’ai rien à craindre de ta colère
ni de ton courroux !



Le miroir brisé

Hier, en souvenir de toi
et de notre amour émouvant,
je mis ma chemise verte,
je me regardai dans le miroir
et je défis doucement ma chevelure.

Je me parfumai la tête et la poitrine,
je fardai coquettement mes yeux,
je répandis mes cheveux sur mes épaules
et je traçai lentement un grain de beauté
au coin de mes lèvres.

Je me dis :
« Hélas, il n’est pas là pour s’émerveiller
devant tout ce charme et toute cette coquetterie.
S’il me voyait en vert,
il me dirait en souriant : ‘Comme tu es belle !’

Hélas, il n’est pas là pour voir
dans mes yeux noirs
le reflet de son propre visage.
Cette chevelure au vent, à quoi sert-elle ce soir ?
Où est sa main pour qu’elle y trouve son refuge ?

Il n’est pas là pour sentir comme un fou
le parfum captivant de mon corps !
Ô miroir ! Je meurs de cette envie !
Il n’est pas là pour me serrer dans ses bras ! »

Je regardai fixement le miroir,
et lui me prêta l’oreille.
Je lui demandai :
« Comment veux-tu résoudre ce problème ? »

Le miroir se brisa et cria :
« Ô femme, l’histoire de ton chagrin
m’a brisé le coeur ! »


L’aube de l’amour

Le ciel comme mon coeur
s’éclaire des éclats du clair de lune.
Ce soir, je fuis le sommeil plaisant
car le rêve de toi est plus plaisant
que le sommeil.

Regardant les ombres sauvages du saule,
je me glisse dans le silence de mon lit.
Cherchant encore une mélodie désirable,
je m’incline devant mon cahier de poésie.

Des centaines de chants dansent
dans le cristal exquis de ma voix,
un plaisir étrange pareil à un songe
court comme le sang dans mes veines.

Oh… comme si
l’esprit errant de la brume nocturne
avait traversé la fosse de mon coeur
ou que sur ce chemin abandonné
une brise s’était mouillé la jupe
du parfum de jasmin.

Sur mes lèvres, fleurissent
les flammes de ton baiser
comme la tulipe brûlante du désir.
Dans mon esprit, une étoile lumineuse
brille dans un halo de mystère.

Dans ma poitrine, un inconnu
frappe sur la tchàng et la roude *,
comme si le parfum de l’encens
accompagnait ses mélodies harmonieuses.

Oh… je ne croyais pas être si liée à toi,
ni que le regard de tes yeux émouvants
soit si tendre et doux envers moi !

Sans doute, du monde des rêves,
Vénus a jeté un regard tendre vers moi.
Dans mon cahier, j’écris :
« Vie éternelle à toi, ô aube de l’amour ! »

* Instruments de musique très anciens qui ressemblent à la harpe.


Le péché *

J’ai péché, péché dans le plaisir,
dans des bras chauds et enflammés.
J’ai péché, péché dans des bras de fer,
dans des bras brûlants et rancuniers.

Dans ce lieu calme, sombre et muet,
j’ai regardé ses yeux pleins de mystère,
et des supplications de ses yeux
mon coeur, impatiemment, a tremblé.

Dans ce lieu calme, sombre et muet,
je me suis assise près de lui, agitée.
Ses lèvres ont versé l’envie sur mes lèvres.
Du chagrin de mon coeur fou, je me suis libérée.

Une histoire d’amour, je lui ai raconté :
« Je te veux mon bien-aimé ! Je te veux,
toi dont les bras sont vivifiants.
Je te veux toi mon amoureux fou. »

L’envie a enflammé son regard,
le vin rouge a dansé dans le verre,
et sur le lit doux, mon corps
ivre de volupté sur sa poitrine a tremblé.

J’ai péché, péché dans le plaisir,
près d’un corps tremblant et évanoui.
Seigneur ! Je ne sais ce que j’ai fait
dans ce lieu calme, sombre et muet…

* Traduit par Nazli et Jalal Alavinia.


Sur la tombe de Leylî 1 *

Enfin s’est retiré le voile du mystère.
Enfin tu m’as connue, ô regard familier !
Je suis ton ombre, comment pourrais-je te fuir ?
C’est moi la mariée de tes songes persistants.

Ce sont mes yeux qui t’éblouissent !
Qu’importent Leylî et l’histoire de ses yeux noirs ?
Ne cherche pas à savoir pourquoi mes yeux
ne sont pas aussi noirs que ses yeux sauvages !

Si dans les yeux de Leylî fleurissait la nuit,
dans mes yeux, éclôt la fleur ardente de l’amour.
Sur le bourgeon de mes lèvres éteintes coulent
tant d’histoires sur les ruses agréables de l’amour.

Tu es captif des chimères et tu es ignorant !
Reviens ! Voici mes lèvres, cette coupe de baisers !
Si nous pouvions échapper au piège des baisers,
des baisers nous ne serions plus les esclaves !

Pourquoi ne te dirais-je pas, ô regard familier,
c’est moi la mariée de tes songes persistants !
C’est moi la femme qui est passée d’un pas léger
sur la tombe froide et éteinte de l’infidèle Leylî.

1. Leylî, qui signifie belle-de-nuit en arabe, est l’héroïne légendaire d’un poème d’amour d’origine arabe, mais imité et adapté maintes fois en Islam d’Orient, par les poètes persans, turcs, et indiens…

* Traduit par Nazli et Jalal Alavinia.


Le mur

Dans la traversée précipitée des instants froids,
tes yeux sauvages dans leur silence
construisent un mur autour de moi.

Je te fuis en partant sur les chemins détournés
pour voir les plaines dans la poussière de la lune,
pour me laver dans l’eau des sources lointaines,
pour me promener sur les chemins de la lumière
dans la brume colorée d’un matin chaud de l’été
pour cueillir une jupe pleine de lys sauvages
pour écouter le chant du coq
du toit de la cabane d’un paysan.
Je te fuis pour fouler aux pieds l’herbe de la plaine
et pour boire la rosée fraîche des plantes.

Je te fuis pour regarder,
du haut des falaises perdues dans un nuage noir,
la danse tournante des tempêtes de la mer
sur une côte abandonnée,

pour survoler un soir lointain
les plaines, les montagnes et les cieux
comme les colombes solitaires,
pour entendre à travers les arbustes desséchés
les mélodies heureuses des oiseaux sauvages.

Je te fuis pour ouvrir loin de toi
le chemin du pays des souhaits
et la lourde serrure dorée du palais des rêves.

Mais tes yeux par leur cri silencieux
rendent obscurs mes chemins
et dans le noir de leur mystère
construisent un mur autour de moi.

Enfin un jour,
je fuirai les charmes de l’oeil du doute,
je me répandrai
comme le parfum de la fleur colorée des rêves,
je glisserai dans la chevelure de la brise nocturne,
j’irai jusqu’aux abords du soleil.

Dans un monde endormi en tranquillité éternelle,
je glisserai doucement au lit d’un nuage doré,
et la main de la lumière déversera dans le ciel gai
les formes d’une multitude de mélodies.

De là-bas, heureuse et libre,
je tournerai mes yeux vers le monde
où tes yeux pleins de charmes
rendent obscurs mes chemins.
Je tournerai mes yeux vers le monde
autour duquel tes yeux pleins de charmes
dans le noir de leur mystère
ne cessent de construire des murs.


Le passant

Un invité inattendu,
rejeté à chaque porte, fatigué,
poussiéreux, harassé, arrive à minuit.
Il pose sa tête sur les coussins colorés,
sur lesquels jadis durant toutes les nuits
jusqu’à l’aube, je brodais dans mon esprit
mille images de rêve avec des fils de soie.

Et lorsque se fermaient doucement
mes paupières chaudes et lourdes,
une plante verte poussait
dans l’étang de mes beaux rêves :

Dans la plaine du ciel,
se levait la poussière de lumière,
la fleur du soleil ornait ma chevelure noire,
et la brise chaude d’une main
glissait doucement un anneau
sur mon doigt argenté.
Des lèvres brûlantes
rencontraient mes lèvres avec joie
et un homme posait doucement sa tête
à côté de la mienne sur la poitrine calme
de mes coussins colorés.

Maintenant, un invité inattendu,
fatigué, rejeté à chaque porte,
y presse les yeux chauds de son sommeil.
Oh, dois-je subir l’amertume du poison
des reproches de cet homme enivré qui chante :

« Y a-t-il encore du vin
dans la taverne de tes lèvres sucrées ?
Y a t-il encore une chambre
dans cette belle maison calme et parfumée
pour un passant fatigué ? »


Il fait soleil

Regarde
comment fond goutte à goutte
la tristesse qui habite mes yeux,
comment tombe aux mains du soleil
mon ombre noire, rebelle !

Regarde !
Toute mon existence se brise,
une flamme me dévore,
m’emporte au ciel,
me tend un piège.

Regarde !
Mon ciel entier
se couvre de météores.

Tu es venu de très loin,
de la terre des parfums et des lumières,
pour me porter sur un bateau
de nuage, de cristal, d’ivoire.
Emmène-moi ma douce espérance,
vers le pays des chants et des sentiments !

Tu me portes
sur le chemin orné d’étoiles,
Tu m’élèves
plus haut que les étoiles.

Regarde !
Je me suis enflammée des étoiles,
je suis comblée des étoiles de fièvre.
Comme les poissons rouges naïfs,
je récolte les astres des étangs de la nuit.

Combien, avant, notre terre était loin
de ces pavillons bleus du ciel !
J’entends de nouveau ta voix,
la voix de l’aile nuageuse des anges.
Regarde où je suis arrivée maintenant,
aux galaxies, à l’Infini, à l’Éternité !

Maintenant
que nous sommes aux sommets,
lave-moi avec le vin des vagues !
Couvre-moi de la soie de ton baiser !
Convoite-moi dans les nuits
qui durent longtemps !
Ne me quitte plus !
Ne m’éloigne plus de ces étoiles !

Regarde
comment fond goutte à goutte
la cire de la nuit !
La coupe noire de mes yeux,
à ta berceuse agréable,
se remplit du vin de sommeil.
Regarde
les berceaux de mes poèmes !
Tu brilles,
et il fait soleil.




Le vent nous emportera !

Dans ma petite nuit hélas,
le vent a rendez-vous avec les feuilles.
Dans ma petite nuit, existe l’angoisse de la ruine.

Écoute !
Entends-tu le souffle de l’obscurité ?
Je porte un regard étrange sur ce bonheur,
et je m’habitue à ma désespérance.

Écoute !
Entends-tu le souffle de l’obscurité ?

Il se passe quelque chose cette nuit.
La lune est rouge et anxieuse
et sur ce toit
qui risque à tout instant de s’effondrer,
les nuages comme une foule en deuil
semblent attendre l’instant de la pluie !
Un instant et puis, rien.

Derrière cette fenêtre la nuit tremble
et la terre cesse de tourner.
Derrière cette fenêtre,
un inconnu s’inquiète pour moi et toi.

Ô verdoyant !
Mets tes mains comme un souvenir brûlant
dans mes mains amoureuses
et confie tes lèvres comme une sensation vivante
aux caresses de mes lèvres amoureuses !
Le vent nous emportera !
Le vent nous emportera !


Murs frontaliers

Maintenant,
les murs tampons, les murs frontaliers
repoussent dans la nuit silencieuse
comme des plantes
pour protéger les champs de mon amour.

Maintenant,
les brouhahas néfastes de la ville,
comme un troupeau affolé de poissons,
de nouveau quittent l’obscurité de mes rives.

Maintenant,
les fenêtres se retrouvent de nouveau
dans le plaisir de sentir les parfums diffus.

Maintenant,
dans le jardin dormant,
tous les arbres jettent leurs peaux
et la terre respire de mille orifices
les particules en vertige de la lune.

Maintenant,
approche-toi et écoute
les palpitations angoissées de l’amour
qui résonnent comme les tam-tams
dans le tambourinage de la tribu
de mes membres !

Je sens, je sais
à quel moment il faut prier.

Maintenant toutes les étoiles
couchent ensemble !

A l’abri de la nuit,
je souffle de l’extrémité de toutes les brises.

A l’abri de la nuit,
je coule follement
avec ma chevelure lourde dans tes mains
et je t’offre les fleurs tropicales
de cette terre vierge, chaude et verte.

Viens avec moi !
Viens avec moi sur cette étoile,
celle qui est très loin du verglas de la terre
et de ses échelles absurdes.
Là-bas, personne ne craint la lumière.

Je respire sur les îles à la dérive.
Je cherche une parcelle du ciel vaste,
vide de la densité des pensées misérables.

Retourne avec moi !
Retourne avec moi
aux origines du corps,
au coeur embaumé d’un embryon,
à l’instant où je suis née de toi !
Retourne avec moi !
Je suis restée inachevée…

Maintenant les colombes
survolent les sommets de mes seins.

Maintenant, au cocon de ma bouche,
les papillons du baiser
se plongent dans la pensée de s’envoler.

Maintenant
le mihrab de mon corps
est prêt pour la prière de l’amour.

Retourne avec moi !
Je suis incapable de dire…
Car je t’aime...
Car « je t’aime » est une phrase
qui vient du monde de la futilité,
des fétiches et des clichés.
Retourne avec moi !
Je suis incapable de dire…

Laisse-moi me féconder de la lune
à l’abri de la nuit !
Laisse-moi me remplir
de petites gouttes de pluie,
de coeurs non-formés,

du volume des enfants à naître !

Laisse-moi me remplir…

Que mon amour

soit le berceau d’un autre Jésus !


La Conquête du jardin

Le corbeau,

qui nous survola

et pénétra la pensée confuse d’un nuage errant

et dont le cri comme un glaive

transperça l’horizon,

emportera notre nouvelle en ville.

Tout le monde sait.

Tout le monde sait

que toi et moi, nous avons entrevu le jardin

à travers la lucarne froide et maussade

et que nous avons cueilli la pomme

sur la branche joueuse et inaccessible.

Tout le monde a peur.

Tout le monde a peur mais toi et moi,

nous avons rejoint la lumière, l’eau et le miroir

et nous n’avions pas peur.

Je ne parle pas d’un lien faible entre deux noms,

ni d’une étreinte dans les pages jaunies d’un livret.

Je parle de ma chevelure heureuse,

des coquelicots brûlés de ton baiser,

de l’intimité de nos corps à la sauvette

et de la brillance de notre nudité

comme les écailles des poissons dans l’eau.

Je parle de la vie argentée d’un chant

que murmure à l’aube un petit jet d’eau.

Dans cette forêt verte et fluide,

nous avons demandé une nuit

aux lièvres sauvages,

dans cette mer angoissée mais calme,

nous avons demandé aux coquillages

remplis de perles,

dans cette montagne solitaire et conquérante,

nous avons demandé aux jeunes aigles :

« Que faut-il faire ? »

Tout le monde sait.

Tout le monde sait :

nous sommes entrés

dans le rêve froid et muet des Simorghs. *

Nous avons trouvé la vérité dans le jardin,

dans le regard timide d’une fleur anonyme,

nous avons trouvé l’éternité dans un instant infini

où se regardent deux soleils.

Je ne parle pas d’un murmure de peur

dans le noir.

Je parle du jour, des fenêtres ouvertes

et de l’air frais,

d’un four où brûlent des objets inutiles

et de la terre qui est fertile d’une autre culture,

de la naissance, de la perfection et de la fierté.

Je parle de nos mains amoureuses

qui ont jeté au-dessus de nos nuits

un pont de parfum, de lumière et de brise.

Viens à la prairie,

à la grande prairie

et appelle-moi

à travers les souffles de la fleur de soie

comme une gazelle qui appelle sa compagne !

Les rideaux se gorgent d’un sanglot discret

et les colombes innocentes,

des hauteurs de leur tour blanche,

tournent leurs yeux vers la terre.

* Simorgh, oiseau mythique de l’épopée Le Livre des Rois de Ferdowsi et de la poésie mystique persane, notamment La conférence des oiseaux d’Attar, qui symbolise l’âme universelle et éternelle de l’homme ou son ange, guide et sauveur initiateur.


Une autre naissance

Toute mon existence est un verset obscur

qui, en te répétant en elle-même,

te ramènera à l’aube de l’éclosion

et de l’épanouissement éternels.

Dans ce verset,

j’ai soupiré pour toi, pour toi j’ai soupiré.

Dans ce verset,

je t’ai greffé à l’arbre, à l’eau, et au feu.

La vie est peut-être une rue sans fin où

passe tous les jours une femme avec un panier.

La vie est peut-être une corde

avec laquelle un homme se pend à un arbre.

La vie est peut-être un enfant rentrant de l’école.

La vie est peut-être allumer une cigarette

à un moment d’assoupissement

entre deux étreintes,

ou peut-être le regard distrait d’un passant

qui soulève son chapeau

et qui avec un sourire absurde dit : « Bonjour ! »

La vie est peut-être ce moment clos où

mon regard s’anéantit dans la pupille de tes yeux

et dans cette sensation

que j’associe à la perception de la lune

et à l’impression de la nuit.

Dans une chambre aussi grande que la solitude,

mon cœur aussi grand que l’amour se tourne

vers les prétextes simples de son bonheur,

vers la belle décadence des fleurs dans le vase,

vers l’arbre que tu as planté dans notre jardin,

vers le chant des canaris qui chantent

autant qu’une fenêtre.

Oh… !

C’est mon destin.

C’est mon destin.

Mon destin,

c’est un ciel dont un rideau me dérobe la vue.

Mon destin,

c’est descendre un escalier déserté

et rejoindre quelque chose

dans le pourrissement et dans la solitude.

Mon destin,

c’est une promenade triste

dans le jardin des souvenirs,

c’est mourir dans le deuil d’une voix

qui me dit :

« J’aime tes mains. »

Je plante mes mains dans le jardin

et je pousserai, je le sais, je le sais, je le sais,

et les hirondelles vont pondre

dans le creux de ma paume tachée d’encre.

Je porterai des boucles d’oreilles,

faites de deux cerises rouges jumelles

et j’accrocherai à mes ongles la feuille de dahlia.

Il est une rue où

des garçons aux cheveux emmêlés,

aux longs cous et aux jambes minces,

des garçons qui étaient amoureux de moi,

pensent toujours aux sourires innocents

d’une fille que le vent emporta une nuit.

Il est une rue que mon coeur

a volée aux quartiers de mon enfance.

C’est le voyage d’une forme à travers le temps,

c’est féconder la ligne rigide du temps

avec une forme,

la forme d’une image consciente

qui rentre de la rencontre avec un miroir

et c’est ainsi que quelqu’un meurt

et quelqu’un demeure.

Nul pêcheur ne trouvera une perle

dans un cours d’eau qui se déverse

dans une fosse !

Moi,

je connais une petite fée triste

qui vit dans un océan

et qui souffle son coeur dans une flûte magique

doucement, doucement,

une petite fée triste

qui meurt la nuit d’un baiser

et qui renaît à l’aube d’un baiser.


Croyons à l’approche de la saison froide…

Extrait

Me voici

une femme seule

au seuil d’une saison froide,

à la veille de la compréhension

de l’existence souillée de la terre,

de la déception simple et triste du ciel

et de l’impuissance de ces mains en béton.

Le temps passa.

Le temps passa

et l’horloge sonna quatre fois.

Quatre fois elle sonna.

C’est le premier jour de Dey 1 aujourd’hui.

Je sais le secret des saisons

et je comprends le langage des instants.

Le sauveur se repose sous la terre

et la terre, la terre accueillante,

est une allusion au repos...


Seule la voix demeure

Pourquoi m’arrêterais-je, pourquoi ?

Les oiseaux se sont envolés vers la côte bleue.

L’horizon est vertical.

L’horizon est vertical.

Et le mouvement est pareil à un jet d’eau.

Et les planètes lumineuses tournent

dans le champ de vision.

La terre se multiplie dans les hauteurs,

les puits aériens

se transforment en galeries de liaison

et le jour est une étendue

que ne peut contenir le petit cerveau

d’un ver de papier.

Pourquoi m’arrêterais-je ?

Le chemin passe à travers les vaisseaux de la vie.

La qualité du sol de la matrice de la lune

tuera les cellules contaminées

et dans l’espace chimique

de l’après lever du jour,

seule la voix demeure !

C’est la voix qui sera absorbée

par les particules du temps,

pourquoi m’arrêterais-je ?

Que peut être un marécage

sinon un lieu de semence des insectes

de la décadence ?

Les pensées de la morgue

sortent des têtes des dépouilles gonflées.

Le lâche cache sa lâcheté

dans le noir.

Et le cafard… oh !

Lorsque c’est le cafard qui parle,

pourquoi m’arrêterais-je ?

La coopération des lettres en plomb

ne sert à rien.

La coopération des lettres en plomb

ne sauvera pas la pensée médiocre.

Je suis de la lignée des arbres,

respirer l’air pourri me rend malade.

Et l’oiseau qui mourait me conseilla

de me souvenir de l’envol.

La finalité de toutes les forces

c’est de s’unir au principe lumineux du soleil

et de se couler dans l’intelligence de la lumière.

Naturellement,

les moulins à vent se détériorent.

Pourquoi m’arrêterais-je ?

J’allaite de mes seins

les grappes vertes du blé.

La voix, la voix, seule la voix,

la voix du désir clair de l’eau à couler,

la voix des flots de lumière de l’étoile

sur la paroi de féminité de la terre,

la voix de la conception de l’embryon du sens

et l’extension de l’esprit commun de l’amour

la voix, la voix, la voix, seule la voix demeure.

Dans le pays des nains,

les critères de la mesure ont toujours tourné

sur le parallèle de zéro degré.

Pourquoi m’arrêterais-je ?

J’obéis à quatre éléments

et la rédaction du règlement de mon coeur

ne relève pas du gouvernement local

des aveugles.

Que m’importe le gémissement persistant

de la sauvagerie dans l’organe génital de l’animal ?

Que m’importe le mouvement insignifiant

du ver dans le trou de la chair ?

Ma lignée des fleurs m’a engagée à vivre,

la lignée des fleurs, vous connaissez ?

Voir un extrait de film de Moon, sun , flower


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