Jalal Alavinia
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A paraître en octobre 2013 - Albin Michel

Les Sept cités de l’amour

Farîd-ed-Dîn ‘Attâr

jeudi 12 septembre 2013, par Collectif LP


Les Sept cités de l’amour

Farîd-ed-Dîn ‘Attâr

Traduit du persan par

Jalal Alavinia

en collaboration avec Thérèse Marini

Postface de Michael Barry

Le Mot de l’éditeur : Les sept cités de l’amour

Les Sept Cités de l’amour regroupe cent des plus beaux poèmes (ghazals) que ‘Attâr a consacré au thème intemporel de l’amour. Amour mystique, mais aussi amour passion dans lequel l’âme se perd pour mieux se retrouver. Il s’agit d’un aspect majeur de l’œuvre du grand maître soufi, jusqu’alors complètement inédite en français. Ce texte superbe est suivi d’un important essai historique et spirituel sur le soufisme de ‘Attâr, Rûmî et Ibn ‘Arabî, par le grand spécialiste Michael Barry.

Farîd-ud-Dîn ‘Attâr (1147-1221) est, avec Rûmî qu’il inspira profondément, l’un des plus grands poètes mystiques de langue persane. Si Le Langage des oiseaux (publié dans la même collection), allégorie de la quête mystique de l’âme, est son œuvre la plus connue en Occident, il est également l’auteur d’un important recueil de poèmes d’amour (ghazals).

Jalal Alavinia, né en 1946 à Téhéran, a traduit plusieurs dizaines d’ouvrages de l’anglais et du français vers le persan et réciproquement. Il a fondé en 2004 les éditions Les Lettres Persanes, et anime également un centre culturel rattaché qui se consacre à la diffusion de la culture iranienne.

Michael Barry, spécialiste la culture islamique médiévale et moderne, enseigne à l’université de Princeton. Parmi ses ouvrages : L’Art figuratif en islam médiéval et l’énigme de Behzâd de Hérât (Flammarion, 2004) ou encore Le Cantique des oiseaux (avec Leili Anvar, Éditions Diane de Selliers, 2012).


Les Sept Cités de l’Amour, ‘Une centaine de perles de pensées profondes’

Le texte que nous proposons aux lectrices et lecteurs francophones est une sélection des poèmes d’amour de ‘Attâr (1158-1221), une centaine de ghazals traduits du persan. Ces poèmes n’ont jamais été traduits en français, et pourtant ils constituent l’un des trésors de ce grand poète persan, auteur célèbre du Langage des Oiseaux.

‘Attâr a écrit plus de huit cents ghazals et nous en avons choisi une centaine, bien représentative de l’ensemble de sa vision et de sa poésie. Nous y avons aussi inclus quelques poèmes d’une autre forme qui situent ‘Attar dans sa singularité parmi les mystiques. Notre traduction, intitulée Les Sept Cités de l’Amour, comprend essentiellement la poésie de ’Attâr sur le thème de l’Amour (divin), sur les amants, les expériences mystiques personnelles, les visions et les méditations du poète sur son cheminement spirituel. Nous avons constitué un ensemble cohérent à partir de ses nombreux poèmes dispersés dans son Divan 1 (ordonné selon un ordre alphabétique arbitraire). Ainsi notre traduction suit une évolution thématique et en même temps chronologique de la pensée de ’Attâr.

Une particularité remarquable des poèmes d’amour de ’Attâr est l’unité thématique de chaque poème. Cette unité accompagnée d’une expression poétique simple et accessible composée selon les règles de la versification de la poésie classique persane intègre les mélodies de la musique classique persane impossible à reproduire en français. Nous avons préféré recréer une prose poétique en français à partir d’une traduction exacte et fidèle du sens de sa poésie. Nous pensons que cette forme littéraire s’adapte bien à sa poésie, car ‘Attâr, en vrai dramaturge, met souvent en scène ses expériences mystiques ou ses visions sous forme de rencontres nocturnes avec des ‘anges’. Il a l’habitude de raconter des anecdotes en y introduisant des personnages et des dialogues. Nous avons gardé ses images et ses métaphores ainsi que ses expressions et son vocabulaire propres à la mystique et à la langue persane. Nous avons aussi souvent reproduit ses rimes et ses rythmes d’origine autant que la langue française le permet. Mais la musique de notre traduction est celle d’un récit poétique en prose. La prose poétique nous a libérés des contraintes de la poésie classique, de rimes répétitives excessives et de l’obligation de respecter l’égalité des vers. Nous avons réparti l’ensemble des poèmes en plusieurs chapitres. Chaque chapitre est introduit par un poème qui exprime son thème dominant. Le résultat n’est ni une traduction libre ni une adaptation, mais une traduction du sens de la poésie de ’Attâr en prose poétique, des textes littéraires agréables à lire, chargés de sens, ‘des perles de pensées profondes’.

1. Les deux sources de notre sélection sont : ‘Attâr, Le Divan de ‘Attâr de Neichabour, texte établi et présenté par Badio-Zaman Forouzanfar, Téhéran, Editions Negâh, 1381(2002) ; ‘Attâr, Le Divan de ‘Attâr, texte établi et présenté par Mohamad Taghi Tafazoli. Téhéran, Editions ‘Elmi et Farhangui, 1386(2007).


Ô oiseau aux chants agréables, chante !

C’est la fête, chante pour les amoureux ! Maintenant que l’herbe a poussé, laisse ton cœur et prends le chemin du verger ! Fais des jacinthes et des jasmins ton oreiller et mets-toi à l’ombre des feuilles des violettes ! Enlève ton chapeau comme la tulipe et sois gai, danse et chante ! Prends un recueil de ghazals et cueille à chaque page une fleur ! Porte, si tu peux, à l’oreille de ton convive savant une centaine de perles de pensées profondes !

Lorsque tu es prêt à lire les poèmes de ‘Attâr, va et récite-les dans l’assemblée des amants !...*


Remplis la coupe du vin de l‘aube, le matin arrive !

Il tire son glaive pour couper la tête à la nuit. Mercure cache son visage. Le soleil montre le sien. La lune tourne le dos et annonce : le matin arrive ! Le noir de nuit porte la lune comme un chapeau. Le matin ouvre comme une clef la porte de l’aube. Ô idole joueur de luth joue l’air des ivrognes ! Car le matin a déchiré le voile de l’hindou de nuit. Le matin arrive, c’est le temps de boire, lève-toi ! Il souffle dans sa trompette à l’attention des ignorants ! Une étincelle éclate, car de son souffle brûlé, le matin a fendu le front du dôme turquoise. La senteur du matin est tellement agréable, comme s’il avait aspiré le musc des gazelles de Chine.

Mais si le matin a rempli l’air de son parfum, c’est qu’il a respiré le parfum du musc de ‘Attâr.


La pierre de l’amour vient d’une mine tout autre

L’oiseau de l’amour vient d’une contrée tout autre. Celui qui donne son cœur en s’attachant à son âme se trompe, car le don du cœur a besoin d’une âme tout autre. Vivre en amoureux est un monde agréable, jeune homme ! Mais le monde de l’amour est sous un ciel tout autre. L’amant, quand se tournera-t-il vers le monde ? Le monde de l’amant est un monde tout autre. Personne ne comprendra la langue des amants, car la langue des amants est une langue tout autre. Personne ne pourra jamais connaître l’amant, mais de l’amant tout le monde a une impression tout autre. L’amant ne s’installe jamais dans un lieu, car il se trouve à chaque instant dans un lieu tout autre. Je me trompe, l’amant est en dehors de tout lieu et son non-lieu a une indication tout autre. Même si ici l’amant se trouve au centre, ailleurs, il sera dans un centre tout autre.

La gemme de ‘Attâr dans sa passion amoureuse est apparemment d’une mer et d’une mine tout autre.


Cette nuit, apparut ma belle turque, ivre et sobre, preuve parfaite de l’affirmation et de la négation

Sobre mais ni folle ni sage, ivre mais ni endormie ni éveillée. Elle tournait à tout instant dans mille sens. Le firmament tournait sous son influence. A chaque fois qu’elle tournait dans un sens, elle projetait une multitude de formes. De chaque cheveu de sa chevelure, pleuvaient des visions pour les amants. Un moment, elle jetait l’anathème sur la foi, un autre, elle démantelait les gibets. Un moment, elle dissimulait le nectar dans le poison, un autre, elle cachait la rose sous ses épines. Un moment, elle mélangeait la lie avec le vin pur ; un autre, elle changeait le feu en lumière. A chaque instant elle prenait une couleur différente, puis elle montrait toutes ses couleurs en même temps. Toutes ses contradictions se rencontraient en un lieu, toutes ses couleurs se regroupaient en même temps. Son temps était toujours pareil à son espace, mais ni son temps ni son espace n’était apparent. Si tu écoutes les contresens que je te raconte, tu seras obligé d’abandonner le bon sens. Car si tu te sers de la raison dans cette affaire, tu te trouveras ceint du Zonnâr parmi les mécréants.


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