Jalal Alavinia
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Forough Farrokhzad : la vie

6. Maladie heureuse

samedi 17 mai 2008, par Collectif LP


Le choix de la poésie, en ce qui la concerne, est choix de vie. Il lui a fallu choisir entre une vie de famille paisible et une vie d’artiste tourmentée. Même si beaucoup plus tard, elle se remet du traumatisme de son divorce, elle ne se remettra jamais de la douleur de l’abandon imposé de son fils. L’effondrement de tous ses projets de vie : l’amour, le mariage, la famille, la poursuite d’une carrière artistique et la défense de la cause des femmes, plonge Forough dans un monde de ténèbres sans bornes, d’impermanences, dans l’angoisse de la ruine… Néanmoins, elle s’accroche à de fragiles branches d’amour pour s’unir au principe de lumière…

Comment cette angoisse de la ruine se traduit-t-elle dans sa vie et dans sa poésie ? Sa déception et l’angoisse qui en résulte déclenchent en elle une dépression profonde et chronique. La dernière décennie de la vie de Forough ainsi que la deuxième période de sa poésie sont très marquées par cette dépression. Nous savons qu’elle a été hospitalisée et soignée une première fois dans sa jeunesse. On connaît ses préoccupations concernant la mort et ses tentatives de suicide. Plusieurs de ses amis ont rapporté le fait qu’elle avait l’habitude de s’isoler, de s’enfermer dans sa chambre pour pleurer. Ces périodes de tristesse, d’angoisse et de troubles étaient toujours suivies de périodes d’euphorie, de gaîté et surtout de créativité artistique.

Était-elle consciente de sa maladie ? A l’époque on ne connaissait peut-être pas très bien la dépression, ses causes et ses conséquences. Forough en parle vaguement dans ses lettres, mais d’une manière très explicite dans sa poésie. L’ambiance de certains de ses poèmes, les images qu’elle emploie, expriment ses peurs, ses angoisses et ses souffrances, en un mot son mal de vivre. Comment qualifier sa souffrance ? Forough ne ressemble pas à Sadegh Hedayat. Sa souffrance est plutôt la conséquence directe de l’échec des projets de vie de sa jeunesse. Ce mal de vivre est en étroite relation avec l’environnement social de l’Iran. D’après ses récits de voyages, la première fois qu’elle est sortie du pays après son divorce, elle a bien réussi à surmonter ses angoisses, et à mener une vie tranquille et satisfaisante. De retour en Iran, elle replonge au coeur des ténèbres mais en même temps s’engage dans un combat pour vaincre ses démons et créer. Bref, il s’agit bien d’une angoisse créatrice. Forough, elle-même qualifiait cette souffrance de « maladie heureuse ».

Mais peut-on réduire la vie et l’ouvre de Forough à ce seul « côté sombre » ? Forough, ne nous a-t-elle pas aussi étonnés et enchantés avec sa tendresse, ses désirs, ses passions, ses amours, son aspiration à la liberté et à l’épanouissement, bref avec ses lumières ?

Bien sûr. Justement la dernière décennie de la vie de Forough marque la deuxième période de son oeuvre littéraire. Cette période représentée par deux recueils intitulés Une autre naissance et Croyons à l’approche de la saison froide est l’aboutissement d’une évolution étonnante de sa personnalité et de son oeuvre.

Forough réussit enfin à se reconstruire et à fonder son propre courant dans la nouvelle poésie persane. Elle célèbre cet accomplissement dans un poème intitulé « La conquête du jardin ». Pendant toute sa vie de femme divorcée, elle mène une vie pleine et riche en réalisant ses rêves d’artiste dans plusieurs domaines : peinture, cinéma, théâtre et avant tout poésie, pour devenir probablement l’une des plus grandes poétesses de tous les temps…


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