Jalal Alavinia
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A paraître

Shafii Kadkani

Neichabour

jeudi 22 mai 2014, par Collectif LP


Shafii Kadkani

Neichabour

Extraits :

Dans ces nuits …. در ین شب ها

Pour M. Omid 1

Dans ces nuits

où la fleur a peur de la feuille,

la feuille du vent et le vent du nuage…

Dans ces nuits

où tout miroir est étranger à l’image,

où toute source cache son secret et son chant,

tu es le seul à chanter si vigilant, si émouvant

comme l’océan.

Tu es le seul à chanter l’élégie du massacre et du sang

d’une génération de martyrs, versé injustement.2

Tu es le seul à comprendre le langage et le mystère

du chant du tchogour 3 des gens sans espérance.

Reste sur la branche haute,

ô chantre du jardin dépouillé, 4 pour que les arbres

sommeillant dans les jeunes pousses du jardin

entendent la passion de ton chant !

Pour que les plaines lumineuses des miroirs

et les fleurs au bord des ruisseaux saisissent toute la haine

et la malédiction de cette époque de pillage dans ton chant.

Tu es l’hymne le plus triste de la déception,

tu es héraut de notre temps.

Tu es le nuage le plus riche en pluie,

pleurant sur le jardin de Mazdak 5 et de Zartocht.

Tu es la colère la plus révoltante

bouillonnant dans la coupe de Khayyam.

Dans ces nuits

où la fleur a peur de la feuille,

la feuille du vent et le vent du nuage,

où toute source cache son secret et son chant,

dans ces horizons ténébreux,

tu es le seul à chanter si vigilant, si émouvant

comme l’océan.

13 septembre 1967

1. M. Omid est le nom de plume de Mehdi Akhavan Sâlès (1927-1990), l’une des figures majeures de la poésie contemporaine iranienne. Voir : C’est l’hiver, une anthologie de ses poèmes, publiée aux Editions Lettres Persanes, Paris, 2007.

2. Allusion aux évènements et assassinats politiques suite au coup d’Etat de 1953 en Iran.

3. Tchogour, instrument de musique. Allusion à un poème de M. Omid : Le chant du tchogour. Voir C’est l’hiver. Ibid., P. 93.

4. Allusion à un poème de M. Omid : Le jardin dépouillé. Voir C’est l’hiver. Ibid., P. 43.

5. Mazdak, prophète révolutionnaire de l’Iran préislamique.

P. 223, Un Miroir pour les voix - Le langage des feuilles

Brocart 1 دیباچه ١

Chante au nom de la rose

dans les déserts de la nuit !

Pour que tous les jardins se réveillent

et deviennent fertiles !

Chante pour que les colombes blanches

retournent à leur nid ensanglanté !

Chante au nom de la rose

dans le couloir du silence !

Que l’onde et le pic de son écho

traverse les plaines !

Que la brise passagère

porte partout ce clair message de la pluie,

du toit bleu de la nuit !

Pourquoi crains-tu la sècheresse !

- alors que de nombreux barrages sont construits :

non devant l’eau,

mais devant la lumière

et devant le chant et la passion…

Dans cette époque de l’indigence,

on a autorisé les poètes d’aujourd’hui

à composer des chants sur les jeux d’amour

du cyprès, du rossignol et de la tulipe,

des chants plus profonds que le sommeil

et plus limpides que l’eau !

Si tu te tais, qui va chanter ?

Si tu pars, qui va rester ?

Qui va chanter sur notre petit arbre dénudé ?

De cette colline regarde au loin !

Regarde ! Là-bas, le printemps est arrivé,

il a traversé les barbelés.

Qu’elles sont belles

les flammes teintées du soufre des violettes !

Mille miroirs coulent.

Mille miroirs palpitent maintenant

avec joie au rythme de ton cœur.

La terre est vide des libertins.

Tu es le seul à chanter de nouveau

le chant le plus romantique.

Chante au nom de la rose, chante amoureusement !

« Raconte l’amour dans la langue que tu connais ! » 1

1. Ce vers est de Hâfez.

P. 239, Un Miroir pour les voix - Dans les ruelles de Neichabour


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