Jalal Alavinia
Accueil du site > Editions > Collections > Littérature contemporaine > Mahmoud Shahali

Littérautre contemporaine iranienne

Mahmoud Shahali

Shâhnâmeh : récit théâtral d’après Ferdowsi

vendredi 28 novembre 2008, par Collectif LP


Voir un extrait de la lecture du Shahnameh par les comédiens du Théâtre Épopée à l’occasion de la rencontre des écrivains de Val de Bièvre :


Shâhnâmeh

Tout peuple a su élaborer, au cours de son existence, des récits à travers lesquels s’affirmer, préserver ses traditions et coutumes, transmettre son savoir et ses croyances, créer son identité propre et projeter sa vision du monde.

…Mais rares sont, parmi ces récits, ceux qui se sont épanouis non seulement au sein même des communautés qui les ont créés, mais dans l’ensemble de la civilisation humaine.

Aussi, rares sont les génies qui, par la force de leur art, par l’universalité de leur vision du monde et de l’homme, sont parvenus à faire de ces récits des trésors spirituels, philosophiques et artistiques. Pulvérisant les tracés géographiques, transcendant toute frontière dans le temps et dans l’espace, ils n’appartiennent plus désormais à une tribu, un clan, une nation, mais à l’univers.

Shâhnâmeh, l’épopée nationale persane, est l’un de ces trésors et Ferdowsi (932 à 942–1020 à 1025), l’un de ces génies.

Shâhnâmeh, incroyablement et injustement méconnu du grand public occidental, reste néanmoins l’une des épopées les plus vivantes de notre temps…Certains récits du Shâhnâmeh viennent des âges les plus reculés du peuple indo-iranien ; les premières traces écrites figurent déjà dans l’Avesta, livre sacré des zoroastriens… Ferdowsi consacra trente années de sa vie à rassembler et à rédiger ces histoires, transmises jusqu’alors par la tradition orale ou écrite ; et son génie créateur a fait le reste. Comme il le dit si bien lui-même :

« Durant trente années, que de souffrances Pour que de ces vers renaisse le peuple Perse… »

L’originalité du Shâhnâmeh se trouve dans les pensées qu’il projette. Il y a là des passions, bonnes ou mauvaises, mais toujours à l’état brut. Elles propulsent les personnages afin qu’ils agissent. L’énigme est l’homme et son choix la clef. Par ce dépouillement, le Shâhnâmeh dépasse grandement les interrogations de l’homme d’un quelconque pays ou d’une quelconque condition sociale, ce sont celles de l’homme universel, l’homme de jadis et l’homme d’aujourd’hui, l’homme de toujours et de partout. Shâhnâmeh-yé-Abolghâssem-é-Mansur-ébn-é-Hassan-é-Ferdowsi-é-Toussi fut écrit à la louange de l’intelligence. Désormais il restera jusqu’à la fin des temps ce cri de l’homme libre qui se demande : qui il est, d’où il vient, où il va.

Ferdowsi

A consacrer une vie entière aux légendes, la vie même de Ferdowsi est devenue légende. Je n’ai jamais su, étant enfant, si j’étais séduit d’abord par les légendes du Shâhnâmeh ou bien par la légende de la vie de son auteur !

Ferdowsi voit le jour entre 932 et 942 dans la ville de Tous (ou peut-être ses environs) au Khorâssân, situé dans l’extrême nord est du plateau iranien et y meurt en 1020 ou 1025. Il fait partie de la noblesse rurale : les Dehghân.

Les poètes de ces temps-là travaillent généralement pour un seigneur ou un prince, et même avec un peu de chance pour un roi, à qui ils dédient leurs œuvres…

Quand Ferdowsi entreprend la composition de son Shâhnâmeh, les guerres de pouvoir font rage. La dynastie régnante, les Sâmâniân, est en déroute et Mahmoud-é-Ghaznavi, le fondateur de la dynastie des Ghaznaviân, soumet presque la totalité des royaumes de l’ex-Empire Perse. C’est donc à lui que Ferdowsi présente son œuvre.

Mais, est-ce sous influence de l’entourage du roi, jaloux de cet immense talent ? Est-ce parce qu’il est chiite et que la cour de Mahmoud est sunnite ? Ou bien est-ce encore l’incompatibilité de l’œuvre même avec le pouvoir de Mahmoud ? Quoi qu’il en soit, l’accueil de la cour est mitigé et ne soulève pas l’enthousiasme espéré par le poète. La légende dit qu’il est récompensé de cinquante mille (ou vingt mille) pièces... d’argent !

Déçu et offensé dans sa fierté de poète et d’homme, il envoie au Soltân Mahmoud une grande tirade dans laquelle il le traite de fils de berger. Le lendemain, il se rend aux bains publics et, en sortant, partage la totalité de sa récompense en guise de pourboire entre le dallâk (le laveur), le masseur, le barbier et le cafetier !

D’une telle offense la mort est récompense ! Sa tête est donc mise à prix et le poète entre en clandestinité.

Des années plus tard, au cours de l’une de ses innombrables campagnes, Mahmoud est en guerre contre un prince qui refuse de se soumettre à son autorité. Il parvient cependant à capturer ce prince et au moment de sa mise à mort, Mahmoud lui donne une dernière chance de se repentir. Le prince refuse encore en lui citant des vers si éloquents, si courageux que Mahmoud lui demande le nom de l’auteur. Le prisonnier répond que ce sont les vers de Shâhnâmeh de Ferdowsi ! Pris de remords, Mahmoud épargne la vie du prince et donne l’ordre d’envoyer à Ferdowsi quarante éléphants chargés de pièces d’or.

La légende dit aussi que la caravane pénètre dans Tous par la Porte du Nord tandis que sort par la Porte du Sud le convoi funéraire du poète !... »

M. Sh.

Une grenade aux mille merveilles

« Nous allons entreprendre un voyage fantastique en empruntant le navire construit il y a plus de mille ans par Hakim Abolghâssem-é-Ferdowsi-é-Toussi, lui-même voyageur téméraire et audacieux dans les mers inexplorées des mythes et des légendes du peuple Indo-iranien. Je vous propose de déguster ces histoires comme une grenade : fruit aux mille merveilles, la grenade se déguste par poignées de graines. Sous la légère pression des dents, les graines explosent dans la bouche, libérant de chaque graine arômes et goûts exubérants et multiples.

Une fois les matières nobles savourées et absorbées, parfois cependant quelques graines laissent une amertume résiduelle, non pas dégoûtante mais plutôt dérangeante qui, de l’humble avis de l’auteur, est une vertu salvatrice car elle prépare le palais aux plaisirs de la bouchée à venir.

Il en va de même des histoires que nous allons vous raconter. Que la mélancolie des unes fasse savourer l’enchantement des autres, comme il en est, depuis toujours, des histoires des hommes.

Il était et il n’était pas ! Au commencement, en des temps immémoriaux, existait un vaste royaume nommé Irân-Zamine, Pays des Aryens, nom donné à ces farouches guerriers venus du nord lointain Il comprenait le monde connu et inconnu jusqu’alors.

Nous commençons notre histoire quand Key-Kâvous règne sur le trône d’Irân-Zamine. Il envoie son fils Siâvosh, âgé de 10 ans, auprès de Zâl-é-Zar, roi de Sistân et de son fils Rostam-é-Dastân, Protecteurs du Royaume d’Irân-Zamine, afin qu’il acquière une éducation digne d’un prince… »

Extrait du récit théâtral de Mahmoud Shahali.

Mahmoud Shahali

Metteur en scène, comédien, dramaturge. • Étude et pratique des théâtres traditionnels persans.• Cofondateur du Théâtre Parth (Iran).• Études universitaires : Sciences et techniques du Théâtre.• Dirige plusieurs ateliers d’art dramatique (MJC, Grandes Ecoles...) et réalise plusieurs spectacles (Brecht, Anouilh, Queneau, London, Tchekhov, Shakespeare, Vian...).• Travaille sur divers théâtres traditionnels (Kathakali, Wayang Topeng, Kabuki, Commedia dell’arte...)• Exerce une activité de comédien indépendant (théâtre, cinéma, télévision).• Travaille comme comédien avec Ariane Mnouchkine au Théâtre du Soleil• Fonde le Théâtre de l’Epopée avec Claire-Lise Charbonnier et en assure la direction artistique : Supplément au voyage de Cook (Giraudoux), Othello, Le More de Venise (Shakespeare), L’exception et la règle (Brecht), Le maître du jeu (C. L. Charbonnier et M. Shahali - Éditions Le jardin d’essai), l’Extraordinaire métamorphose du petit commissionnaire Galy Gay (Brecht), Les Rustres (Goldoni)...• Collabore en tant que formateur avec différents organismes : Centre Dramatique National, Centre National de la Fonction Publique Territoriale...


Suivre la vie du site RSS 2.0 | Plan du site | Espace privé | SPIP | squelette