"La maison est noire [Khanek siah ast]" (Forough Farrokhzad, 1962 - 22’) : le premier - et unique - film de la grande poétesse - et grande cinéaste - iranienne Forough Farrokhzad est à la fois l’implacable portrait d’une léproserie et de ses habitants et une puissante interrogation adressée à Dieu, en tant que créateur de cette souffrance. "Les mondes de Vigo, de Buñuel, de Chaplin, n’existent que par ce battement entre les yeux ouverts et les yeux fermés. Il en va de même pour Forough Farrokhzad filmant cette léproserie et, de nos jours, pour un autre cinéaste iranien de la même trempe, Abbas Kiarostami. (...) Si ce film est à un documentaire ordinaire sur une léproserie ce qu’une eau-forte de Goya est à un croquis réaliste, c’est par cette capacité de la cinéaste à regarder ces lépreux, et leur monde, comme une partie de la réalité visible - qu’il lui fallait regarder en face sans honte ni crainte - et tout autant comme une autre version possible de l’humanité, telle qu’on pourrait l’imaginer en fermant les yeux sur ces lépreux, pour garder dans le noir, paupières serrées, une sorte de présence rémanente de certaines images trop fortes pour passer à autre chose, pour se rafraîchir le regard" (Alain Bergala, Cinéma 07).